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Date de création : 04.11.2011
Dernière mise à jour :
27.07.2014
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En haut à gauche, Mancel (UMP) et Italiani (FN), au deuxième tour de la législative partielle dans l'Oise dimanche (photo © DR). En bas : le même jour, la "Manif pour tous" à Paris, Frigide Barjot avenue de la Grande-Armée (photo © A. Gelebart/20 minutes) et les slogans des opposants aux droits des homosexuels (photos © A. Cerdan/Rue89). En haut, les mains en l'air de François Hollande au Forum mondial des femmes francophones mercredi dernier (photo © Pool New/Reuters), celles de manifestants chypriotes à Nicosie (photo © Y. Karahalis/Reuters).
Situation compliquée en effet qui voit la droite et l’extrême droite à l’offensive dans la rue et dans les urnes sur fond d’effondrement de la cote de popularité du Président – deux tiers d’insatisfaits. Il faut réagir.
La manifestation du 24 mars contre le « mariage pour tous » fut un succès pour les droites extrêmisées. Alors que l’Assemblée a voté et que le Sénat s’apprête à le faire – même s’il n’adopte pas et c’est regrettable le texte conforme –, la « messe » est dite. Elles ont pourtant réuni quelque 300 000 personnes voire davantage. Bien sûr la question évoquée n’était que prétexte. Encore que le slogan unificateur en dit long sur les haines entretenues « Du boulot pas de mariage homo»… Comme si les deux questions avaient un quelconque rapport. « L’homo » est désigné bouc émissaire comme jadis le « Juif » ou le « bicot ». Voilà à quoi carbure le « pays réel » à droite.
Et suprême réussite, il y a eu des affrontements soigneusement préparés qui indignent le « bon peuple » de droite. « Madame Boutin a fait un malaise, des enfants catholiques ont respiré des gaz lacrymogènes, vous n’y pensez pas.» Les forces de l’ordre, dans l’imaginaire de ces gens-là, sont là pour réprimer la gauche entre Bastille et République… pas les « leurs » du côté de l’Étoile et sur l’Avenue de la Grande Armée. Soufflait sur ces « heurts » un petit air, toute proportion gardée, des manifestations des Ligues en février 1934 marchant sur l’Assemblée. Nous n’en sommes, heureusement, pas encore là, mais l’avertissement doit être entendu par tous à gauche et au-delà parmi les Démocrates et Républicains.
Même jour, cette fois dans les urnes, l’UMP l’emporte d’une courte tête sur le FN dans la seconde circonscription de l’Oise. En juin, c’est une Socialiste qui les avait battus, l’un et l’autre, dans une triangulaire. Cette fois donc, le FN progresse encore face à un cacique de la droite parce qu’un certain nombre d’électeurs de gauche ont voté pour lui en dépit de l’appel à voter pour le candidat de droite de la part des états-majors de gauche. Ce n’est en rien anodin. Cela signifie que d’autres « catastrophes électorales » à répétition sont probables car la colère et le désespoir s’expriment aujourd’hui en faveur de l’extrême droite, jamais en faveur des formations de gauche, même clairement « démarquées » du PS et du gouvernement.
Le détour par Chypre
Dans ce contexte, la question chypriote joue comme un accélérateur des peurs. D’aucuns ont d’ailleurs soufflé sur les braises sans craindre le retour de flammes quitte à taire la vérité sur les faits et les chiffres. Chypre, paradis fiscal, est frappé par un plan de sauvetage pire que ce qui était proposé, au départ, par les « sauveteurs » (lire ici). La banque Laiki est promise à la faillite avec un écrémage d’une autre ampleur, voire une évaporation pure et simple des avoirs supérieurs à 100 000 euros. Entre la taxation et la faillite, le Parlement chypriote n’a pas choisi et la seconde option s’est imposée sans qu’il ait à se prononcer. Les propos de Moscovici qui se veulent rassurants sur l’absence de risques de contagion sont imprudents parce qu’en réalité, personne n’en sait rien.
Il y a aussi les opérations de dissimulation qui font que la situation du « paradis » était bien pire que ce qu’en disaient ses dirigeants. 18 milliards de Pib certes mais un bilan bancaire de 120 milliards et non de 80 comme tout le monde le pensait. La solidarité des autres Européens doit jouer, mais pouvait-on, encore une fois pour un paradis fiscal, ajouter au passif de leurs dettes cumulées les quelque 10 ou 20 milliards nécessaires sans la moindre contrepartie ? Pour la France, sur la base de la clé de répartition communautaire, cela représentait environ 20 % de ces sommes et près de 30 % pour l’Allemagne... Qui oserait proposer pareille potion amère à toute l’Europe, non pour venir en aide aux Chypriotes mais pour sauver un paradis fiscal ?
Et puis, il y a ce subterfuge par lequel on nous explique qu’il faut garantir les dépôts bancaires jusqu’à 100 000 euros au nom d’une règle – non écrite - dans l’UE. Les mêmes, quand il est question du salaire minimum, appliquent une autre logique qui veut que l’on rapporte celui-ci au salaire moyen et donc au niveau de vie. Dans ce cas, c’est tout au plus les avoirs de moins de 50 000 euros qui auraient été garantis à Chypre. Le « paradis » d’hier - pas pour tous, cela va sans dire - va se transformer en « enfer » pour une partie des privilégiés avec un appauvrissement pour tous. Il faut donc une politique européenne de soutien et d’investissement non pour restaurer l’absence de règles dudit « paradis » mais pour ouvrir la voie à un autre développement pour Chypre et ses habitants, mais cette fois avec des règles dont une imposition juste à mille lieues du tout bancaire.
L’unité sur d’autres bases
Quand la menace se précise, la gauche doit trouver le chemin de son unité pour au moins « frapper ensemble » à défaut de « mélanger ses drapeaux ». Cela ne se fera pas sur les bases d’une politique gouvernementale qui a montré ses limites pour les uns, qui a échoué pour les autres. La colère qui monte des usines, des bureaux, des quartiers contre l’austérité doit être entendue. Il n’est que temps. La lucidité face à la crise politique est la première condition pour aller de l’avant. La tour d’ivoire gouvernementale, après avoir négligé les critiques et inquiétudes y compris des militants socialistes, doit se mettre au diapason de toute la gauche, pour retrouver un niveau de crédibilité dans le pays sans lequel rien n’est possible.
C’est à François Hollande que revient la responsabilité de changer de politique et d’équipe parce que la Constitution, quoi que l’on pense de ce déni de démocratie, a fait du Président le seul « pacha » à bord du navire. Les Français s’y sont habitués. Il parlera jeudi et il a le choix. Soit il persiste et alors le naufrage deviendra probable avec à la clé un possible retour aux urnes imposé par les circonstances et des droites à l’affût. Soit il change à gauche dans la clarté pour limiter les effets de la crise et ouvrir la perspective d’en sortir enfin. Dans ce cas, le mieux serait la formation d’une équipe gouvernementale renouvelée et représentative de toute la gauche, une gauche prête à défendre sa légitimité à gouverner le pays et l’Europe. Ce sera l’enjeu de toutes les consultations électorales des deux prochaines années.
Il faudra en effet trouver de nouvelles recettes par une réforme fiscale enfin juste, faute de quoi les budgets, 2014 et suivants, seront ingérables. Il faudra tout autant réduire significativement les dépenses publiques « injustifiées » par une réforme territoriale audacieuse d’autant qu’une bonne dizaine de départements envisagent déjà, dans leur coin, des fusions regroupements, voire le recours comme en Alsace à une collectivité unique. Il faudra bien sûr s’attaquer au fléau du chômage en usant de tous les leviers : le gisement des 35 heures – ceux qui ont travaillé en 2011 l’ont fait en moyenne plus de 42 heures par semaine – ; l’encadrement par la loi du recours au CDD – 80 % des embauches aujourd’hui ; l’obligation légale pour les entreprises d’investir pour leur compétitivité dans la recherche et le développement. Sans compter l’interdiction des licenciements boursiers.
Autant d’arguments que nous versons à la discussion de toute la gauche en regrettant que certains de nos partenaires au sein du Front de gauche aient obscurci la perspective ce week-end. Nous condamnons en effet l’usage de l’insulte et de la menace à l’endroit des Socialistes et de quiconque. Nous déplorons les dérapages aux accents inacceptables et inquiétants notamment sur Chypre et le « garrot de l’euro », sur « l’Europe allemande », sur le fait qu’il n’y aurait rien « entre le Front de gauche et le FN »... Nous le disons sans polémique mais avec la solennité qui convient aux grands moments. Nous appelons toutes les composantes de la gauche et leurs militants à « ouvrir les yeux » sur la gravité de la situation et les moyens de conjurer la catastrophe. Que chacun et tous prennent la mesure du danger et en tirent la conclusion logique. En premier lieu, le Président élu par toute la gauche il y a moins d’un an.